Review: Rock & Folk

July 1995
by Alexis Bernier

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Farenheit 451, le Bataclan est en sueur. Hole va bientôt entrer en scène. Deux énormes ventilos indus brassent l’air irrespirable, tentent de rafraîchir l’atmosphère. Peine perdue, le coton colle à la peau de la génération X parisienne. Le visage piercé, les cheveux teints ou décolorés, on attend Courtney Love, la Marie-Madeleine rock, la Sainte Putain grunge. La voilà, en robe d’instite fifties, col carré à fleurs blanches, porte-jarretelles et bas noirs. Un pied sur le retour, jambes écartées, la Fender cachant ses intimités, elle attaque “Violet” et frappe déjà du pied ce photographe qui voulait tenter le “beaver shot”, comme elle dit, le cliché gynécologique. Stoïque, le reste de la troupe, laisse filer un son bitumeux, gras et lourd comme du Grand Funk Railroad. Il y a pourtant de quoi frémir quand, dans l’obscurité déchirée de flashes stroboscopiques, leur héroïne, à bout de nerfs, crache “Gutless”. Ils ont l’habitude, pas nous, les grands moments de metal se font rares. Courtney, collée au micro, le corps en avant, défie la terre entière, défigurée de colère, puis ferme les yeux et chante, triste, perdue, enfantine. Docteur Hole & Mrs. Love. En nage, littéralement, elle prend soudain en pitié ses fans coincés dans une fournaise que sa prestation volcanique a fait encore monter de quelques degrés. Elle impose le break et asperge les premiers rangs d’eau minérale puis se vide consciencieusement le contenu de plusieurs bouteilles sur la tête avant d’enchaîner “Miss World”. Le concert tourne d’un coup à la répète. Elle vient corriger le son d’Eric Erlandson, sa tête de turc préférée, puis s’en retourne nous asperger. Comme pour se venger, Eric balance le riff de “She Lost Control Again” et le groupe se lance dans cette reprise de Joy Division rapidement avortée. Des ratés qui nuisent à la cohésion musicale du gig mais, en retour, quel spectacle, quel show, quel “Metallic KO”. Silence, les autres s’en sont allés. Seule, Courtney, d’un souffle, annonce: “J’ai écrit cette chanson avec mon mari.” Et 500 personnes de chanter avec elle “Pennyroyal Tea”.

Reconstitué, Hole remonte en scène pour finir en délire bruitiste. L’égérie s’est changée. En combinaison de strech, madone érotique délicatemente boudinée, elle communie genoux à terre avec ces premiers rangs qui tendent la main pour toucher l’étoile. Tout n’est plus que larsen, bourdonnements et chuintements, insupportables déflagrations sonores et fracas d’une batterie dans laquelle vient s’effondrer le corps curcifié d’une chanteuse psychotique. Elle se relève, titube, glisse dans une marre d’eau et de suée, se redresse et patatras! encore à terre les quatre fers en l’air.

Pathétique autant que divine. Touchante comme un bébé qui fait ses premiers pas ou une junkie que par amour on suivrait jusqu’au fond du trou. La fin ? Non. Dans la rue, des cris nous accrochent, la star a ouvert une fenêtre et balance méthodiquement tout le contenu de sa loge. Des canettes, des bouteilles, de la bouffe et comme on en veut encore, des médiators, des T-shirts et quelques petites culottes. L’impasse est rapidement bloquée, des voisins sortent affolés, la foule hurle quand les plus téméraires tentent d’escalader la gouttière, dérebant un french kiss à la star ravie hurlant: “Je suis Marie-Antoinette”. Leur idole hilare ouvre maintenant son peignoir et offre sa poitrine à la fureur des videurs. “Hey hey, my my, rock & roll will never die.”